• Le soleil a eu raison de mes révisions de neuro et de psy. Il suffit de regarder les multiples lésions érythémateuses disséminées sur mes bras, mon décolleté et mes pieds pour comprendre que ma motivation aujourd'hui était semblable à celle d'une huître au soleil...

    Si j'étais sérieuse et appliquée, j'aurais le teint blême et blafard, je sentirais même un peu la naphtaline. Au lieu de ça j'ai plutôt bonne mine...

    J'ai beau avoir un semblant de mine resplendissante, je traîne ce sentiment bizarre qui m'accompagne dans chacun de mes gestes et qui s'atténue un peu quand j'ouvre un classeur. J'ai jamais autant cohabité avec la culpabilité que pendant ces études de médecine. L'impression de ne jamais en faire assez. Ca a commencé en P1. Un véritable conditionnement. Je comptais les heures de travail et si je n'en faisais pas au moins 6 voir 8, je culpabilisais. Ca a duré 2 ans et ça me poursuit encore aujourd'hui. Une peine qu'il faut chaque jour accomplir, comme un condamné. Et ce soir, on ne peut pas dire que j'ai le sentiment du devoir accompli.

    Demain : psy de liaison


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  • Il ne me reste plus qu'un jour au sein du pavillon et je n'arrive pas vraiment à savoir si les portes fermées à clef du grand bâtiment vont me manquer. En tout cas ces cinq semaines ne m'ont pas semblé longues et ennuyeuses. Elles étaient même plutôt intéressantes.

    Les patients schizophrènes ou psychotiques ne se résumeront pas à un défilé de mots barbares de la classification DSM IV mais à des images concrètes qui resteront imprimées dans ma mémoire pour toujours. J'espère me rappeler des paroles et des attitudes employées par le psychiatre dans les situations compliquées. Ca pourra toujours servir. Il m'a en quelque sorte fasciné...

    Un petit bout d'homme frêle, longiligne et sec, ne répondant pas exactement aux critères des canons de beauté de la société moderne. Derrière cette fragilité apparente, se cache un homme de caractère avec un soucis exacerbé pour l'ordre : chaussures fines en daim, pantalon moulant et droit, chemise au col impeccable, pull de grande marque, coiffure moderne et soignée. Un modèle absolu de rigueur, de perfection et de contrôle.

    Les entretiens avec lui respectent un protocole très précis. Dans un premier temps, le patient s'exprime, raconte son histoire, ses attentes, nous confie ses doutes et ses craintes. Puis le psychiatre prend la parole et expose de façon très claire le problème. (avec lui le terme " Information claire loyale et appropriée" que tout externe avec un minimum de méthodologie balance dans sa copie de cas clinique prend tout son sens) Il m'a expliqué que ces patients manquaient cruellement de cadre et que leur existence n'était qu'un champ de ruines éparpillés où tout était désorganisé et dissocié. Il fallait donc comme dans un puzzle, prendre les pièces une par une et les ordonner.  On peut encore une fois comprendre que l'ordre est une de ses principales préoccupations. Apaisé par l'entretien, le patient repart avec des objectifs précis et quelques réponses concernant son état.

    Il m'impressionne quand il cerne en à peine quelques minutes les patients et quand il arrive à obtenir tout ce qu'il veut, même des plus coriaces.

    Ce stage restera une bonne expérience. Mais même si P. ( un infirmier ) a passé l'autre jour une heure à me démontrer combien la psy serait une spécialité parfaite pour moi qui selon ses dires " suis dans la recherche de contact " ( il m'a analysé à mon insu... ) je ne pense pas faire ça. L'aspect somatique me manquerait trop. Je reste pour le moment fixée sur la gastro.


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  • Tu es un fantôme aux étreintes glaciales et à la peau d'opale. Une ombre désirable qui s'évapore et me souille d'un frisson qui n'a jamais existé. Un pantalon moulant et une chemise un peu froissée. Une silhouette que je peine à garder dans ma mémoire.

    Tu es la trace de maquillage que je n'arrive plus à effacer. Ton visage demeure, pâli par l'absence et l'indifférence. Je serre les dents pour ne pas crier ton nom quand tout devient vague et lisse. J'aimerais tant que tu te volatilises dans la fumée de l'oubli, que je ne te vois plus quand je fermes les yeux le soir. Que tu deviennes un passé. Un vieux souvenir.

    J'ai besoin de tes mots, de tes murmures apaisants et de tes bras, des remparts infranchissables.

     


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  • Ma garde fut éprouvante. Les étiquettes des patients se sont empilées sur l'écran trop petit de l'ordinateur toute la journée. Il faisait trop chaud par ce temps d'orage menaçant...

    Il n'était pas là. J'étais déçue. Comme à chaque fois. P. était le chef des urgences le soir, je devais donc blinder les observ' de gastro.

    Ma première patiente du circuit long venait pour décompensation oedémato-ascitique. De quoi me redonner le sourire. Elle baragouinait des menaces espérant échapper à son brancard. La peau de son ventre était distendue par le liquide et laissait apparaitre une circulation veineuse collatérale très importante. Je reconnaissais bien les effluves qui s'échappaient de ses lèvres au fur à mesure qu'elle se confiait. Je me tenais un peu à distance, les vapeurs d'alcool me donnant la nausée. Dans sa détresse, elle était plutôt attachante. Je me suis appliquée à rédiger l'observation sachant qu'elle serait sûrement lue là bas.

    J'ai fait sa ponction d'ascite tard dans la nuit ce qui a suffit à embellir ma garde.

     


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    Je suis de garde. Demain. Les gardes sont un peu le passage obligé dans la 4ème dimension de tout étudiant en médecine. Il y a la première... celle qu'on attend avec impatience. On s'y voit déjà, se ruant sur les brancards, le stétho autour du cou, le regard vif, en hurlant comme ce cher John Carter : « Gaz du sang, chimi iono » Le sang qui gicle, les scopes qui s'affolent, et des blouses blanches qui s'agitent dans tous les sens. 

     

    La première garde a un goût amer. Un retour brutal à la réalité, une désillusion de l'utopie dévoilée par les séries hospitalières. La quotidien de l'hôpital est tout à fait différent de celui dépeint dans Urgences ou Grey's Anatomy ( pas de Dr Sloan et de Dr Shepherd, et pas le même budget que le Seattle Grace Hospital). Soyez rassurés, je n'étais pas naïve à ce point. Je ne m'attendais pas à arriver à l'hôpital la blouse cintrée, ouverte, les cheveux détachés, la démarche assurée, défilant, au milieu d'une dizaine de chef en tout genre me dévisageant!

     

    Je le savais, mais je n'imaginais pas un tel gouffre entre les deux. Le système français est certes différent de celui du système américain. Les vrais polytraumatisés, on ne les voit pas aux urgences, ils vont directement en réa. Ceci explique en partie la désillusion.

     

    Pour revenir à notre Hôpital.

     

    Notre système des Urgences est organisé en 2 parties.

     

    - Un circuit court où sont admis les patients qui relèvent de la petite traumatologie et de la "bobologie"

     

    - Un circuit long où sont pris en charge les patients plus lourds (patients âgés aux multiples pathologies et toute pathologie susceptible d'entraîner une potentiel hospitalisation). Le circuit long occupe la pièce centrale des urgences. Il déborde souvent de patients échoués sur des brancards faute de place dans les box.

     

    Lors de mes premières gardes, moi et mes co-externes, nous nous battions pour aller au circuit court dans la perspective de réaliser des plâtres, des sutures, et de rédiger nous même nos ordonnances. Une occasion pour un externe de se sentir utile. Notre rôle consiste là bas à examiner les patients, prescrire les radios si besoin, obtenir le feu vert de l'interne pour suturer, effectuer les petits gestes thérapeutiques, prescrire les médocs, et faire contrôler tout ça par l'interne avant de laisser partir le patient. J'aime toujours aller au circuit court mais je commence à préférer le circuit long. Il y a encore quelque temps ça m'aurait semblé invraisemblable, pourtant nous nous battons maintenant pour aller au long.

     

    Ce changement radical est expliqué en partie par une "meilleure compréhension" de la médecine en générale. Au milieu de la 5ème année on a fait presque le tour de toutes les spécialités et on commence à avoir une vision plus globale des choses. Je me souviens que j'avais encore du mal à y croire l'année dernière. J'étais complètement perdue aux milieux des brancards et paniquée à l'idée de devoir examiner un patient venant pour « crise comitiale » « céphalées », ou « douleur abdo » . Je ne prétends pas me sentir aujourd'hui complètement à l'aise, mais je sais ce que je dois rechercher et je ne suis plus effrayée. Le fameux déclic de la 5ème année existe bien.

     

    Revenons donc à la désillusion qui accompagne la première garde. Les urgences consistent en un véritable champ de bataille où cohabitent médecins, internes, IDE, ASH, externes, et patients. La mission de l'externe consiste principalement à : faire les ECG (ça c'est vraiment le truc qui me manquera pas quand je serai interne!), porter les bons à la radio (et vite parce que ça urg !), examiner le patient et rédiger l'observation sur les 5 ordis des urgences qui se battent en duel. Autrement dit, l'externe retrouve ici ses fonctions principales étant : Secrétaire, Coursier, ECGologue, Standardiste. J'oubliais aussi : Brancardier! (quand on trouve personne pour monter monsieur X dans tel ou tel service, on se reporte vite sur une proie facile, l'externe). Le tableau que je fais des Urgences est un peu sévère mais c'est à peine exagéré.

     

    Cependant des fois on a de la chance. Quand les urgences sont calmes, que les internes avec nous sont des connaissances de stage, qu'ils sont tout simplement gentils ou qu'ils sont animés brutalement d'un élan de pédagogie, une garde peut être géniale. Ce fut le cas lors de mes deux précédentes gardes, surtout l'avant dernière. Une garde génialissime où j'ai eu l'impression de servir à quelque chose et apprendre des trucs. Un interne qui te prend sous son aile ça n'a pas de prix dans cet océan infesté de requins!

     

     

     


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